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Résidence

Mathias Forge

On aura l’occasion d’y revenir

Aubenas

Fouilles empiriques

Qu’est-ce que nous pouvons encore espérer toucher, saisir ou transformer, coincé·e·s au beau milieu des circonstances ?

On aura l’occasion d’y revenir est une aventure à têtes chercheuses, une recherche en action autour de la notion d’inutilité, en s’appuyant concrètement sur la figure du rond-point. Le terrain de jeu sera l’îlot du carrefour giratoire, un espace inconfortable pour voir l’artiste coincé et bras ballants ; un lieu qui combine exposition et isolement, artifice et banalité, lyrisme et idiotie.

On aura l’occasion d’y revenir est une aventure initiée par Mathias Forge, en dialogue avec Format, structure de production déléguée. Elle se déroulera entre septembre 2022 et avril 2024.

« Je ne sais pas dire précisément ce qui motive cette «fascination» quelque peu pathétique pour les ronds-points. Je dois admettre qu’elle m’accompagne et que je continue de fabuler sur ces carrefours de nombreuses situations. Donc, et avant tout, je souhaite poursuivre l’enquête, y plonger encore un peu plus, m’immerger, m’y perdre, tourner autour du pot et peut-être s’approcher d’un îlot. » Mathias Forge

Mathias Forge

Je suis né le 26 juillet 1984. J’ai été conçu dans l’engouement qui a suivi le décret 83-797 du 06 septembre 1983.

« Ce décret a modifié le code de la route en généralisant la priorité à l’anneau dans les carrefours giratoires. Cette date marque alors le coup d’envoi d’une spectaculaire explosion du nombre de giratoires dans le pays. » En quelques sortes, j’ai été conçu dans un virage…, à un tournant…

L’année de mes 10 ans, la France a déjà conçu plus de 12000 rond-points. Comment trouver de l’attention chez ses aînés face à un tel cataclysme ? Il y a une efficacité telle chez le rond-point qu’un enfant peut paraître désuet, inutile. Du moins on peut facilement se dire : «encore un qui n’inventera pas le rond-point», et faire le raccourci «encore un branleur qui va être au chômage la moitié de sa vie et occuper les ronds-points les samedis pour faire chier le monde».

J’ai 12 ans, je suis au collège, la femme qui conduit le car qui nous y mène s’appelle Marie-Claude. Nous avons deux occupations favorites :

– la motiver à klaxonner pendant le plus longtemps possible ;

– la motiver à faire plusieurs tours de ronds-points jusqu’à ce que plus personne ne puisse y entrer en ponctuant chaque tour par un OLÉ !!!

Je vis près de Roanne et la ville de Riorges (proche banlieue) devient une professionnelle en la matière. L’apogée sera bien évidemment en 1998, avec le fameux rond-point des Footballeurs. S’en suit toute une série d’événements : pique-nique du dimanche en compagnie des footballeurs, photos des groupes de musique locaux sur le rond-point, disparition de la statue de Fabien Barthez, Aymé Jacquet décapité… La liste est longue et palpitante.

Mon frère aîné fait la conduite accompagnée et me déconseille vivement d’y songer. Les principaux conflits entre lui et ma mère, tournent autour (si je puis dire) du comportement à adopter à l’approche du dit carrefour giratoire.

Nous habitons sur la Côte Roannaise, groupe de communes sur le versant des Monts de la Madeleine, reliées par la célèbre départementale numéro 8. J’avais entendu parler des querelles de clochers en jouant à la fanfare. La compétition se lance très rapidement avec la transformation de chaque carrefour sur la D8 en giratoire. Renaison ouvre le bal, puis Villemontais, puis St-André d’Apchon, Ambierle ne tarde pas, St-Haon le Vieux arrive lentement car c’est son rythme, et St-Haon le Châtel se laisse désirer car elle ne fait jamais rien comme les autres. De longues conversations nous occupent sur la question fondamentale : «  qu’est ce qu’ils vont encore nous mettre dessus ? ».

À partir de 2004, je fais partie d’une association qui organise des événements culturels. Nous mettons en place pour chaque personne que nous accueillons à la gare, un parcours « touristique » qui passe par chaque rond-point de la ville de Riorges. Quelques années après, je tombe par hasard sur le livre de Éric Alonzo, Du Rond-Point au Giratoire.

Progressivement, ces endroits qui semblaient alors… de bonnes blagues, revêtent une sorte de potentiel. Et si on tentait de faire un projet avec…, dessus…, autour,… Et si on prenait la chose au sérieux… Cela se glisse dans ma tête et m’accompagne depuis 10 ou 12 ans. Une première tentative, ébauche, se tient désormais dans l’écriture de Nouvelles de NOOOONE (four Bodies) de la Cie 1Watt.

Je me suis probablement construit avec le rond-point comme modèle de réussite, presque dans une forme de rivalité, ou plutôt le giratoire comme alter ego.

du 10 au 15 oct
© Kristof Guez

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